Alexandre M. Tetyaev – victime du régime communiste

Arrêté le 19 mars 1945, condamné le 13 avril 1945 à GULAG à Kolyma.

Rehabilité le 31 juillet 1957.

Assigné à résidence jusqu’à la fin de ses jours.

Sa condamnation

1945

A peine libéré au début de 1945 du camp de concentration, il a été arrêté et condamné au camp de travail forcé dans les mines de la région Kolyma, précisément le camp l’ITL (Sevvostlag) du Nord-Est.

Il était accusé de la trahison parce que pendant la guerre avec l’Allemagne nazi en tant que soldat il a été pris comme prisonnier de guerre et est tombé dans le camp de concentration. Voici sa faute !

1957

Staline est mort depuis 4 ans déjà et pourtant Alexandre M. Tetyaev n’est toujours pas libéré. C’est surtout les prisonniers criminels de droit commun qui en profitaient et étaient libérés, pas les politiques. Alexandre n’était donc pas victime du stalinisme mais du communisme soviétique.
La même politique a duré longtemps, mais de façon plus légère.

En 1957, après 12 ans de Goulag, il est libéré et rehabilité. Attention, ça ne veut pas dire qu’il est libre, ni qu’il est rééllement réhabilité, ni que le Tribunal reconnaît son erreur. Sans parler du dédommagement quelconque pour les années perdues, la santé et la vie-même. Loin de là !

1957 – fin des années 80

A la sortie du Goulag il se trouve assigné à résidence : Administration lui impose lieu d’habitation, loin de ses proches, loin de la ville de sa jeunesse, Leningrad.

Il est donc encore condamné – cette fois-ci à vivre à Kostanaï, en Kazakhstan. A 2700 km de sa ville d’origine, Leningrad. Quelque part entre Sibérie et Mongolie.

Etant donné son passé, il est aussi condamné à exercer des travaux les plus durs pour survivre.

fin des années 80 – 1996

Malgré “glasnost” il n’est toujours pas libre de choisir son lieu d’habitation, mais il peut déjà se rapprocher de Leningrad. Il déménage à Kostomoukcha, en Carélie, pas loin de la frontière finlandaise. Distance de 890 km de Leningrad – c’est déjà plus près.

Les notes historique et géographique ainsi que les témoignages sur Kolyma, Sevvostlag, Oïmiakon se trouvent plus bas.

Nous avons trouvé ses traces en 1952 à Oïmiakon – un souvenir raconté par son camarade A. Gretchuk se trouve plus bas.

L’arbre de Noël au goulag (extrait)

Alexey Gretchuk, membre de l’association littéraire « Logos » publie en 2017 ses souvenirs du Noël 1952 au camps à Oïmiakon où il était avec Aleksandre Tetyaev.“Mars du 53, Camp sur la Kolyma.”

Publié le 11 janvier 2017

La personne qui a écrit ces lignes a récemment eu quatre-vingt-dix ans. Il a traversé toute la Seconde Guerre mondiale et a beaucoup expérimenté dans la vie, conservant un grand talent et une clarté d’esprit incroyable.

(…) Les écoliers de l’ouest de l’Ukraine – Bogdan Karaev, Misha Yastrebovsky, Maxim Staroschuk – ne sont pas restés à l’écart. Quelque chose, je ne me souviens pas de cela, les Léningradiens Boris Shalygin et Vitaly Dolgoshev ont fait. Igor Imshenetsky (son père est un microbiologiste bien connu) et Sasha Tetyaev (le fils de Mikhail Mikhailovitch Tetiaev, professeur à l’Institut minier de Leningrad) ont également participé à la décoration de l’arbre.

… Nous avons suspendu les articles faits maison, jeté des chaînes de papier multicolores et du coton pelucheux sur les branches épineuses, fixé la guirlande.

Fatigués de la faim constante, du froid éternel, du travail acharné et de l’esclavage à long terme, nous nous réjouissons volontairement de cet arbre, comme des enfants.

– Le sapin, allume-toi !

Le letton Eric a éteint la lumière, et le sapin de Noël s’est éclairé avec de petites ampoules.

« Un sapin est né dans la forêt … »

Les Kirghizes (?) triquaient sur les tasses enfumées avec quelques gorgées de chifir – une infusion de thé fort, réservée à cette occasion solennelle, selon la vieille habitude.

– Eh bien, nous le ferons! Nous vivrons pour voir du champagne!

Derrière la fenêtre, à cause de la respiration dense et des vêtements humides recouverts d’un épais afflux de glace – moins 50, les projecteurs des tours pénètrent à peine dans la densité laitière du brouillard givré. Et dans la caserne inhabituellement chaude, gaiement tirée par la forte poussée du poêle à pétrole, elle rougissait déjà de la chaleur d’un côté. Entre les couchettes grinçantes, un esprit de forêt frais. Dans une maison terne, une petite fête soufflait. Les zeks ont été transportés mentalement chez eux, chacun chez lui, chez ses épouses, filles, enfants, personnes âgées. Est-ce qu’ils attendent à la maison? Et, peut-être déjà, n’attendez pas … Fatigué d’attendre. Les souvenirs se sont précipités.

Le pauvre arbre de camp a soutenu les désirs dans le désir de vivre, a de nouveau suscité l’espoir. Et l’espoir s’est réalisé.

Pas immédiatement, à contrecœur, lourdement, lentement, avec beaucoup de bureaucratie et beaucoup de clarifications et d’approbations, avec un grincement tendu, comme avec des bâtons dans les roues, ils ont commencé à examiner les cas des «ennemis du peuple» et leur réhabilitation.

Je ne sais pas si, par ordre alphabétique, par âge ou non, compte tenu des blessures et des récompenses que j’ai reçues lors des combats, mais presque deux ans plus tard (deux ans !) Après les funérailles de «père» (Stalin) libération.

Je me suis involontairement comparé : pour m’envoyer derrière les fils de fer barbelés pour de nombreuses années, il a fallu un peu plus d’un mois pour arrêter, connaître des témoignages et porter un jugement injuste. Et pour libérer – deux ans!

Selon le proverbe « A la prison – une porte large, de la prison – une porte étroite ».

… Combien d’années ont passé depuis ! Des millions d’arbres de Noël bien décorés et illuminés au fil des ans – dans les places de la ville, les écoles, les jardins d’enfants, des palais, des auberges, appartement confortable … Combien d’enfants ont grandi (et déjà eu le temps de vieillir!), combien de petits-enfants deviennent des adultes ! La ronde autour de l’arbre de Noël est déjà menée par les arrière-petits-fils de ces « ennemis du peuple » – des enfants qui ne connaissent même pas le mot sinistre « GOULAG ».

Tout reste dans le passé lointain.

Et moi, alors jeune homme, et vivant maintenant discrètement comme grand-père, il est temps d’oublier ces années et de ne pas tourmenter la mémoire fatiguée des souvenirs malades.

Et je me souviens. Par leurs noms, je me souviens de mes voisins des couchettes (malheureusement, aucun d’entre eux n’est vivant depuis longtemps : les victimes du goulag ne vivaient pas longtemps). Je me souviens de tous ceux avec qui la seule fois j’ai arrangé ce modeste arbre de Noël.

Je me souviens parce que j’y ai laissé la meilleure partie de ma vie. Parce que même dans ce désespoir, j’ai eu des réunions et des moments rares, dont l’âme se sentait chaude pendant un court laps de temps. Un des souvenirs est un arbre de Noël fait de fraises dans une baraque sombre derrière un fil de fer barbelé. Parmi les collines sauvages de la neige, Oymyakon glacial. À une altitude d’environ deux mille mètres. Il y a plus de soixante ans.

Dans l’association littéraire de Vilnius « Logos » Alexey Gretchuk est un seul combattant de première ligne de la 2e Guerre  Mondiale vivant.

texte entier (ru). Je vous invite à lire la totalité.

Note historique et géographique

Quelques informations sur le lieu

Kolyma

Kolyma est une région de l’Extrême-Orient russe. L’éloignement et l’isolement, la sévérité du climat et les conditions de vie très dures en font un « enfer blanc », un lieu à part. Les soviétiques redoutaient la Kolyma plus qu’aucune autre région de l’archipel du Goulag : « Колыма значит смерть » “Kolyma veut dire la mort” disait-on à l’époque.

Kolyma présente une spécificité remarquable : sa richesse en gisements d’or. Un premier gisement aurifère est découvert en 1916, les autres s’en suivent. Il manque la main-d’œuvre et les infrastructures. Des milliers d’« ennemis du peuple », utilisés comme main-d’œuvre servile, meurent dans ces mines d’or du Nord sibérien et pendant la construction des infrastructures.

La Route de Kolyma – elle traverse une forêt de pins. Seule une portion de l’ancienne route est encore utilisée, jusqu’au village de Tomtor. Après la route devient inutilisable.

Oïmyakon

Village sur le chemin de Tomtor, on passe par Oymyakon (оймякон, 63.464527, 142.789074), ou au cours de l’hiver 1933 un record de température (ressentie) de -71,2°C a été enregistré. C’est le Pôle Froid, l’endroit habité le plus froid au monde. Oymyakon est entouré de montagnes qui garde le village gelé. Toutefois quelques rares habitants, environs 500, continuent à se battre contre les éléments et à y vivre aujourd’hui.

Les camps de travail GOULAG à Kolyma

Le terme Kolyma est devenu emblématique du Goulag.

Les premières victimes soviétiques des répressions staliniennes, commencèrent à arriver en nombre à la Kolyma au début des années 1930, dont de nombreux ouest-ukrainiens, des koulaks.

De nouvelles ressources de main-d’œuvre forcée furent trouvées après l’invasion de la Pologne orientale par l’Union soviétique en 1939. Plusieurs milliers de Polonais furent déportés dans les vastes territoires de la Sibérie et du Kazakhstan. Rapidement, des déportés de Lituanie, Lettonie et Estonie, trois autres pays annexés à l’URSS, suivirent les Polonais. Puis des prisonniers de toutes les batailles menées par l’URSS prirent le même chemin, on y trouve notamment des prisonniers allemands, hongrois, roumains et japonais.

Le chemin de fer Transsibérien devint le principal moyen de transport pour amener les prisonniers aux stations le long de la ligne ; puis on les transportait jusqu’aux divers camps du Nord sibérien. Le terminus oriental du Transsibérien, Vladivostok, était le point de départ vers la Kolyma. Cependant, faute de transports terrestres, la voie maritime était le seul moyen d’atteindre les côtes de la Kolyma via la mer du Japon et la mer d’Okhotsk. Une flotte basée à Vladivostok fut créée dans ce but ; entre 1932 et 1953, elle transporta environ un million de travailleurs forcés

Les bateaux d’esclaves

Une flotte de cargos spécialement aménagés transportait les prisonniers pour un aller simple.

Des bateaux, comme le Djourma, le Sovlatvia, le Dalstroï, le Décabriste transportaient dans leurs soutes plusieurs milliers de prisonniers. Tous ces bateaux, à l’origine des cargos, furent réaménagés pour pouvoir transporter une cargaison humaine maximale. Un bateau typique était le Djourma. Une structure en bois était érigée le long des parois de la soute et comprenait cinq niveaux de couchettes. Chaque niveau était divisé en sections pour accueillir cinq hommes en position couchée. Pour prendre place, les prisonniers devaient se glisser les jambes en premier, la tête tournée vers le passage pour éviter l’étouffement. Les latrines consistaient en barils, appelés « parachas », périodiquement vidés en mer ; ils se renversaient fréquemment, répandant les déjections dans la soute.

Sur ces bateaux surchargés, la nourriture était toujours en quantité réduite. En ces temps, tout le pays était rationné et les prisonniers étaient servis les derniers. Sur le bateau, les rations étaient inférieures à celles fournies dans les prisons. Le repas quotidien, pour chaque groupe de quinze hommes consistait en une portion de pain, une portion de choucroute et un baquet d’eau. On appliquait la maxime concentrationnaire : « les hommes qui ne travaillent pas n’ont pas besoin de nourriture ».

L’air frais entrait par les trappes supérieures des soutes. Cependant, même quand elles étaient complètement ouvertes, la quantité d’air qui entrait était à peine suffisante. De plus, les trappes et la porte principale étaient toujours fermées quand le bateau passait dans les eaux territoriales japonaises.

Les catastrophes, exemples

Le Djourma eut une large part dans les tragédies liées au transport des détenus.

Pendant un de ses voyages vers le port arctique d’Ambartchik, le Djourma fut pris par la glace. Dans l’impossibilité de se dégager, le bateau demeura immobilisé l’hiver entier, avec une cargaison de 12 000 hommes. Les Soviétiques n’avaient aucun moyen de les secourir et ils n’acceptèrent pas l’aide étrangère proposée par une station météorologique américaine de l’Arctique. La cargaison humaine entière mourut de froid et de faim dans les cales.

En une autre occasion, en pleine mer, des criminels de droit commun allumèrent un feu dans une soute. Le commandant du bateau prit la décision la plus simple, refusant l’aide de marins japonais non loin du navire. L’équipage ferma les portes et trappes, et la cargaison humaine entière mourut par asphyxie. Le feu fut éteint et le bateau remis en état pour accueillir une nouvelle cargaison.

Robert Conquest mentionne un autre désastre : l’explosion du Sovlatvia, qui convoyait des prisonniers lituaniens et une cargaison de dynamite. L’explosion fut probablement causée par un sabotage des prisonniers.

Une source polonaise rapporte un autre désastre impliquant le Djourma. Au printemps 1941, le bateau, transportant 8 000 hommes – y compris un contingent de 3 000 Polonais –, subit une autre catastrophe au cours d’une violente tempête en mer. Dans la cale, les banquettes centrales s’effondrèrent, recouvrant des centaines d’hommes de débris de bois et de corps humains. Il y eut plusieurs morts et de nombreux blessés ; le nombre exact n’en fut jamais divulgué.

L’unité de base était le camp de travail. Bâti en un lieu isolé de la taïga où des filons d’or avaient été découverts, le camp n’était ni coûteux ni compliqué à édifier. Il était conçu pour être autosuffisant, son fonctionnement reposant sur le travail des prisonniers. Ceux-ci construisaient intégralement le camp, coupant et taillant le bois et bâtissant les baraques. On lâchait des prisonniers dans la taïga au début de la courte saison d’été. Leur première tâche était de construire les clôtures de barbelés, les baraques en bois avec le logement des prisonniers et les services ainsi que les baraquements extérieurs pour la garde et le commandant. Un autre groupe était affecté à la construction d’un équipement primitif d’exploitation de l’or, ouvrant le sol et commençant le travail minier. L’extraction de l’or commençait presque aussitôt après l’arrivée des hommes. Le slogan au-dessus de l’entrée du camp portait : « Le pays a besoin d’or ».

Ainsi, pour la mine d’or dite « Pionnier », (Pryisk en russe), située à 400-500 km au nord de Magadan dans une vallée au milieu de montagnes enneigées :

« Durant l’été 1941, le premier groupe de prisonniers polonais arriva au camp. Là, ils trouvèrent les premiers arrivés, qui avaient bâti le camp deux ans auparavant ; peu étaient encore en vie. C’étaient principalement les fonctionnaires du camp qui, assurant les services essentiels, recevaient les meilleures rations de nourritures, les meilleurs vêtements et avaient les meilleures conditions de vie. À cette époque, deux baraques pour les prisonniers travaillant à la mine avaient toujours des toits provisoires en écorce ; la baraque pour la cuisine était à moitié finie et la salle médicale était une simple cabane près de l’entrée du camp. La clôture de barbelés et la tour de garde étaient solidement en place et la baraque des gardes, surélevée, avait tous les aménagements permis par les circonstances. »

La vie des prisonniers

Le salaire consistait en rations alimentaires, variant selon la productivité. En été, quand la production atteignait son maximum, la ration la plus importante atteignait 600 grammes de pain et un quart de hareng salé par jour ainsi qu’un un bol de soupe claire trois fois par jour. Pour les hommes les moins productifs, la ration de pain descendait à 400 ou même 200 grammes de pain par jour (ou même zéro). En hiver, toutes les rations étaient réduites au minimum, et la soupe n’était servie que deux fois par jour. Les principaux travaux d’hiver consistaient à déneiger chemins et allées et à creuser le sol pour atteindre le niveau de l’or.

Un commandant et un détachement de garde supervisaient le camp. Des « prisonniers-fonctionnaires » étaient choisis parmi les criminels de droit commun. Les prisonniers politiques en étaient exclus. Ces « fonctionnaires » étaient assignés à la gestion interne, la cuisine, l’approvisionnement ou l’entretien des baraques. Leur fonction était aussi de sortir les hommes des baraques le matin, et d’utiliser tous les moyens pour maintenir le taux de productivité le plus élevé possible. La subordination des prisonniers aux criminels de droit était justifiée par le système comme extension de la terreur policière. L’utilisation de gourdins et les bastonnades à coups de pelles et de pioches étaient courantes. Parmi les mesures punitives applicables aux prisonniers, il y avait la réduction des rations ou les travaux supplémentaires après les douze heures de travail habituelles. Parfois, la punition était la mort.

La mortalité

Selon l’historien britannique Robert Conquest, le taux de mortalité parmi les prisonniers atteignait 30 % la première année et à peu près 100 % après deux ans. Les causes en étaient d’abord les conditions climatiques extrêmes entraînant la mort ou les gelures ; ensuite des rations alimentaires très insuffisantes ; enfin, les épidémies de scorbut et de dysenterie, peu ou pas traitées.

Bien qu’il soit à peu près impossible de fournir un nombre de morts définitif, étant donné l’absence de données précises, les estimations donnent entre 130 000 et 500 000 victimes dans l’ensemble des camps de la Kolyma.

Le témoignage des Polonais, l’indifférence de l’Occident

Cette période de l’histoire de la Kolyma fut révélée au monde par les Polonais qui furent libérés grâce à un accord politique inhabituel entre l’Union soviétique et le gouvernement polonais en exil à Londres : en 1941, après l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne nazie, les Polonais et les Soviétiques se trouvèrent du même côté face aux nazis et devinrent, malgré eux, alliés. Le traité, signé à Londres, impliquait la libération de tous les Polonais des prisons et camps de travail. Ses clauses, qui exigeaient leur élargissement immédiate, ne furent pas toujours appliquées avec célérité par le système pénal soviétique. Cependant, une large proportion des survivants intégra l’armée polonaise et quitta l’Union soviétique pour le Moyen-Orient. Les Britanniques et les Américains ne prirent pas leurs témoignages en compte. Les rapports des Polonais furent délibérément ignorés par les Anglo-Américains et présentés comme de la propagande anti-soviétique.

Le vice-président américain, Henry Wallace, visita la Kolyma en mai 1944. Après sa visite, il quitta le pays avec la conviction absolue que « ces camps n’ont jamais existé ». Pendant les trois jours de sa visite, les chefs de la Kolyma firent tout pour lui cacher la réalité. La tromperie fut un succès total. Le monde extérieur reçut ainsi un témoignage de première main à propos de la Kolyma. 

Après la mort de Staline

Septembre 1953 : début de la libération massive des prisonniers et de la liquidation progressive des camps de la Kolyma.

source : wikipedia fr

Sevvostlag

ITL du Nord-Est
Il est mentionné à la 5e place, parmi les camps soviétiques aux pires conditions. Lieu : Kolyma

Années d’existence : 1932-1952

Le camp de travail correctionnel (ITL) du nord-est Sevvostlag a été créé en 1932 sous l’égide du Trust d’État Dalstroi, qui s’occupait de la construction de routes et d’industries dans la région de la haute Kolyma. Le camp était administrativement et économiquement subordonné au directeur du trust. La tâche principale des prisonniers était l’extraction de l’or. Sevvostlag est devenu l’un des plus grands camps de la période stalinienne – en 1940, le nombre de ses détenus dépassait 190 000. De nombreuses personnes célèbres y sont passées : Evguenia Ginzburg, Osip Mandelshtam, Varlam Shalamov et Sergei Korolev y ont purgé leur peine à différentes époques.

À différents moments de son existence, le camp a utilisé un système de crédit : en 1947-1948, jusqu’à trois jours pouvaient être crédités pour un jour de travail ; ensuite, le crédit était calculé sur la base du dépassement du plan de production pour le mois. En 1949, les prisonniers ont commencé à recevoir un salaire. Ces mesures n’ont guère d’effet sur la vie des prisonniers : les conditions de travail sont restées difficiles et le taux de mortalité élevé.

L’opposé du Dmitrovlag de la capitale était la Kolyma : l’URSS n’avait aucune pitié pour les travailleurs des camps, qui étaient envoyés dans les terres au bord de la mer d’Okhotsk pour y extraire de l’or et de l’étain, et pour construire à partir de rien une infrastructure résistante au dur climat (c’est dans les années 1930 que le centre régional de Magadan a été construit).

Le centre de développement de Kolyma était le Sevvostlag, un camp géré par le Dalstroy, un trust d’État pour le développement de l’Extrême-Orient. Dalstroi n’était pas légalement considéré comme faisant partie du Goulag, mais les conditions dans ses camps à la fin des années 1930 n’étaient pas plus faciles.
«Dans un camp, pour qu’un jeune homme en bonne santé (…) dans la mine d’or se mette à gonfler dans l’air hivernal et devienne une épave, il faut de vingt à trente jours avec une journée de travail de seize heures, sans jours de repos, avec la faim systématique, les vêtements déchirés et les nuits à moins soixante degrés sous une tente en toile qui fuit… Ces délais ont été vérifiés à plusieurs reprises», écrit Varlam Shalamov, qui a passé plus de dix ans sur place à propos des camps de la Kolyma.

source : Openlist.wiki
source Russia Beyond
source : wikipedia russe

Les archives examinées suggèrent qu’entre 1932 et 1957, au moins 800 000 personnes sont passées par le Sevvostlag, parmi lesquelles jusqu’à 150 000 sont mortes (mortes pour diverses raisons, tuées à la suite d’accidents du travail et de banditisme dans les camps, fusillées).
L’ancien chef de la direction politique de Dalstroi I. К. Sidorov a rappelé :
En 1938, Staline a invité des représentants de Dalstroy au Kremlin pour leur remettre des récompenses pour avoir dépassé le plan de production d’or. Les surintendants de la mine Vinogradov, Anisimov et Olshansky ont raconté plus tard que Staline s’était alors porté volontaire pour discuter avec eux.
Il a demandé : «Comment les prisonniers travaillent-ils dans le Nord ?»
«Ils vivent dans des conditions extrêmement difficiles, mangent mal et font les travaux les plus durs. Beaucoup meurent. Les cadavres sont empilés comme du bois de chauffage jusqu’au printemps. Il n’y a pas assez d’explosifs pour creuser des tombes dans le permafrost», lui ont-ils dit.
Staline a souri : «Empilez comme du bois de chauffage… Et vous savez, plus il y a d’ennemis du peuple qui meurent, mieux c’est pour nous.»

Le 5 mars 1953, Staline meurt et, en vertu du décret du Présidium du Soviet suprême de l’URSS du 27 mars 1953, les prisonniers sont libérés des camps en vertu d’une amnistie.
À la mi-mars 1953, les camps Dalstroi – sans l’Ospolag n° 5 (Berlag), «criminels d’État extrêmement dangereux», qui n’était pas couvert par l’amnistie – abritaient 145 405 prisonniers. L’amnistie concerne principalement les catégories suivantes de prisonniers, condamnés pour : vol de biens personnels de citoyens, vol de biens socialistes, vol qualifié, hooliganisme, crimes officiels et économiques, spéculation, crimes contre la propriété, stockage illégal d’armes, crimes militaires, violation de la loi sur les passeports et autres – soit un total de 39 905 personnes, parmi lesquelles 485 voleurs récidivistes.
Selon le service pénitentiaire fédéral de la région de Magadan, 76 000 personnes, soit 53 % du nombre total de prisonniers, ont été libérées des camps de l’USVITL en 1953, en vertu d’un décret d’amnistie.

Selon les historiens I. Batsaev et A. Kozlov, du 1er janvier au 1er novembre 1953, un total de 78 484 personnes ont quitté les camps de Dalstroi. Et si le 1er avril 1953, 145 640 personnes se trouvaient dans les camps Dalstroi, le 1er mai, il en restait 131 958, le 1er août, 91 370 et le 1er novembre, 87 644 personnes. Sur le nombre total de personnes libérées, 52 099 ont été amnistiées, tandis que les autres ont été libérées en vertu d’un plan de libération ou transférées dans d’autres camps du Goulag. En conséquence, à la fin de 1953, il ne restait plus que 47 % du nombre de prisonniers détenus dans les camps Dalstroy le jour du décret d’amnistie, ce qui a mis les «entreprises Dalstroy dans une situation critique», selon I. Batsaev[89].
L’amnistie de masse accordée aux détenus purgeant des peines pour des infractions pénales a entraîné une forte augmentation de la criminalité dans l’ensemble du pays, et dans le territoire de Dalstroi en particulier.

 

Au début de 1956, il n’y avait plus que 35,4 mille prisonniers à Dalstroy.
Au printemps 1957, Dalstroy est réorganisé en région économique de Magadan, dirigée par le Sovnarkhoz. Par l’ordonnance n° 0271 du 16.04.1957 du ministère de l’Intérieur de l’URSS, l’administration des camps de travail correctionnels du Nord-Est a été réorganisée en UITK du ministère de l’Intérieur de la RSFSR [28]. En 1957-1959, le Sovnarkhoz de Magadan a continué à utiliser le travail des prisonniers à petite échelle dans les opérations minières. Dans le domaine de l’extraction de l’or, ce sont les mines de Gorki. Les mines d’or étaient les mines de Gorki et de 40 ans d’octobre, les mines Shturmovoy, Shirokiy, Chay-Urya, ainsi que la mine Galimyi dans le district d’Omsukchanka et la mine Iultin à Chukotka dans le secteur de l’exploitation de l’étain.

Citation

Varlam Shalamov – “Récits de la Kolyma”, 1978

écrivain russe (1907 – 1982) qui a également purgé sa peine sur la Kolyma

Il ne reprochait pas aux gens leur indifférence, il avait compris depuis longtemps pourquoi cette froideur de l’âme, cette froideur qui transforme la salive en glace à la volée, atteignait aussi l’âme humaine.
Si les os peuvent geler, le cerveau peut geler, l’âme peut geler.
On ne pouvait penser à rien dans le froid, tout n’était que froid et faim, le cerveau était mal nourri, les cellules cérébrales se desséchaient – c’était un processus matériel évident, et dieu sait si ce processus était réversible comme on dit en médecine, semblable aux engelures, ou si la destruction était définitive.
L’âme aussi, elle s’est figée, rétrécie, et peut-être… restera froide pour toujours.

Citations

Jacques Rossi, le Français qui a fait 24 ans de Goulag

émission de Sébastien Lopoukhine, publié le mardi 27 novembre 2018, France Culture

Pourquoi la purge ? Il fallait des boucs émissaires pour expliquer pourquoi le projet ne marchait pas. On arrêtait dans toutes les sphères : les beaux-arts, l’industrie, l’agriculture… Il fallait montrer à l’opinion publique qu’il y avait des ennemis du peuple, expliquer aux Soviétiques, pourquoi, vingt ans après la victoire de la plus grande révolution mondiale, ils vivaient dans cette misère.

Appliquer la norme de travail strictement, ça veut dire vous tuer. Tuer lentement. Si vous devez faire un travail pour lequel vous n’êtes pas qualifié, ou bien pour lequel vous êtes trop faible parce que mal nourri, mal vêtu et que nous n’y parvenez pas, le lendemain, vous recevez une ration de pain un peu moindre pour vous punir. Après ça, votre rendement baisse encore, vous recevez alors une plus petite ration jusqu’à ce que vous creviez de faim. Il n’y a rien à faire, il ne peut pas y avoir de miracle. On était très mal vêtus. Les vêtements que l’on portait étaient en coton, doublé. C’est pour ça qu’en hiver, lorsqu’il faisait moins vingt à moins quarante degrés, il fallait toujours travailler, car dès que l’on s’arrêtait, on gelait. Toutes les deux heures, nous avions le droit de nous chauffer pendant cinq minutes près d’un feu.

A la soi-disant libération :

– Où vous-voulez aller ?                                
– Moscou                                
– C’est interdit                                
– Alors Leningrad                                
– C’est interdit                                
– Odessa                                
– C’est interdit                                
J’ai cité une quinzaine de villes dont j’avais entendu parler, mais la réponse ne variait pas. Alors pour gagner du temps, j’ai demandé poliment :
– Pourriez-vous me donner la liste des villes autorisées, parce que l’URSS, c’est grand ?                              
– Impossible, cette liste est secrète.                                
Finalement comme j’étais orientaliste de formation, à la quarantième ou cinquantième ville, j’ai dit Samarkand. “Oui, ça va” a répondu le sergent. Située à 5000 km, ce n’est pas la ville où j’aurais voulu aller pour me rendre à Paris (rires).

Archives

Edward Maga, le Polonais qui avait même âge qu’Alexandre et qui a fait Kolyma, témoigne

ce document-enquête tiré des archives de L’Institut Witold Pilecki, est pris au hasard

1 Données personnelles (nom, prénom, grade, âge, profession et état civil) :
Le chanoine Edward Maga, né le 10 janvier 1922 à Tarnopol, élève du lycée physique et mathématique de Tarnopol, fils d’un instructeur du lycée mécanique de Tarnopol.
2. La date et les circonstances de l’arrestation :
J’ai été arrêté le 9 avril 1940, accusé d’appartenir à l’Organisation nationale polonaise [ ?] et de détenir des armes. En même temps que moi, un certain nombre de mes collègues du lycée ont été arrêtés pour le même motif. Leurs noms sont énumérés ci-dessous : Antoni Solarski, Jarosław Taryna, Kazimierz Masiej, Ryszard Zyga, Adam Śliwiński, Stanisław Adamowski, Tadeusz Głowacz, Józef B[…]licki.
3. Le nom du camp, de la prison ou du lieu de travail forcé :
Au départ, j’ai été détenu avec mes collègues dans la prison de Tarnopol et j’ai fait l’objet d’une enquête. Un procès collectif a eu lieu le 15 décembre 1940 dans la même prison. Nous étions 20 sur le banc des accusés, dont une femme. Sept ont été condamnés à mort. Ma sentence était : sept ans de travaux forcés.
J’ai été déporté de la prison de Tarnopol le 21 février et après un mois de voyage difficile, j’ai été envoyé dans un camp de travail sur la mer d’Okhotsk, sous le nom de Boukhta Nakhodka. De là, après six semaines de travail dans des conditions de vie misérables, j’ai été déporté à Kolyma par bateau, sur lequel on ne nous donnait rien à manger ni à boire pendant le voyage de cinq jours. Dans le port de Magadan, sur les rives de la mer d’Okhotsk, en quelques jours, les huit mille personnes qui étaient arrivées avec moi ont été mises en uniforme et réparties dans différentes œuvres.
4 Description du camp, de la prison :
Il y a un très grand nombre de camps de travail dans la région de Kolyma, avec un certain nombre de prisonniers travaillant sous surveillance – de 25 à plusieurs milliers de personnes. Ces camps étaient parfois très bien aménagés, les prisonniers vivant dans des baraquements en bois, sur des couchettes recouvertes de matelas et de couvertures. Les camps disposaient d’une cantine, où les prisonniers prenaient leurs repas, et d’une salle commune, où ils pouvaient écouter la musique jouée par l’orchestre du camp ou jouer à divers jeux pendant leur temps libre. La plupart des camps sont cependant très mal équipés, les prisonniers vivant dans de vieilles tentes trouées qui n’offrent aucun abri contre la pluie. Dans ces camps, il n’y avait pas de salles communes, pas de salles à manger ni même de modestes chambres pour les malades, qui ne manquaient pas parmi les prisonniers.
La communication entre les camps, le transport de la nourriture et des outils de travail étaient assurés par des camions et [néant]. Il n’y avait pas de population indigène dans la Kolyma. En plus des prisonniers, il y avait de nombreux affranchis – pour la plupart des ingénieurs et des experts dans divers domaines de travail – et un grand nombre de gardes qui surveillaient les prisonniers dans les camps derrière les barbelés et pendant le travail. Le principal domaine de travail dans les camps de la Kolyma était l’extraction de l’or. Des centaines de milliers de prisonniers ont été utilisés pour cela. Le travail était très dur, se déroulant dans des conditions très difficiles dans la boue parfois jusqu’aux genoux. [Il y avait] un nombre énorme de moustiques, un manque de vêtements appropriés pour travailler en terrain humide, un manque de vêtements chauds pour travailler en hiver, avec des gelées atteignant 60 degrés.
5 Composition des prisonniers, captifs, déportés :
Les prisonniers provenaient de nationalités et de sphères diverses, [ils étaient condamnés] pour des crimes politiques, du banditisme et des récidives. Tous avec de grandes phrases.
6 La vie dans le camp, la prison :
La nourriture dans les goulags était très pauvre. La mesure en matière de nutrition était la capacité à remplir la norme de travail.
7. l’attitude des autorités du NKVD envers les Polonais :
Dans le camp, les autorités du NKVD ne faisaient aucune distinction particulière entre les Polonais et les autres nationalités. En prison, par contre, les autorités du NKVD considéraient les Polonais comme leurs plus grands ennemis. Cela se manifestait dans la manière dont les enquêtes étaient menées, qui prenait parfois la forme de tortures, par exemple des coups, des tordages de mains, des privations de nourriture dans les salles de punition.
8 Soins médicaux, hôpitaux, mortalité :
Le grand nombre de personnes dans les cellules des prisons favorisait le développement de la saleté, de la vermine et des maladies infectieuses. Le manque de vitamines et de graisses a conduit de nombreux prisonniers au scorbut (cynga). Le manque d’hôpitaux et d’installations de traitement a augmenté le taux de mortalité.
9. Y a-t-il eu, et quelle a été, la communication avec le pays et les familles ?
Les cellules des prisons étaient remplies de détenus jusqu’à l’impossibilité, l’isolement strict, toute correspondance avec les personnes en liberté exclue, aucune nouvelle politique d’aucune sorte. Il était hors de question de maintenir une correspondance avec la famille.
10 Quand a-t-il été libéré et comment est-il entré dans l’armée ?
J’ai été libéré de Kolyma en octobre 1941 avec certains des Polonais emprisonnés là-bas. A l’arrivée à Omsk, notre groupe s’est séparé, je suis allé dans ma famille au Kazakhstan, expulsée à cause de mon arrestation. Je n’ai trouvé que ma mère et ma sœur, mon père avait été arrêté par le NKVD et n’avait pas encore été libéré. Là-bas, j’ai travaillé comme conducteur de locomotive dans une centrale électrique. Quand j’ai été enrôlé dans l’armée polonaise, je suis parti avec quelques camarades. Je me suis engagé dans l’armée le 21 février 1942 à Lugovoye.

source (pl)
Reportage

Sur la route de Kolyma

 

Le journaliste russe Yuri Dud dans son reportage (en russe avec possible transcription en anglais) sur la Kolyma  nous montre la réalité de ce lieu aujourd’hui. Quelques enfants des condamnés et quelques personnes travaillant sur l’histoire de ce lieu témoignent sur le passé. Il nous est difficile de parler de la véracité ou de l’objectivité. Mais nous vous encourageons à regarder au moins le lieu, Voici quelques écrans.

Toutes les chiffres mentionnées plus haut sont données par les archives russes et n’ont aucune confirmation dans la réalité. On sait par ailleurs qu’il n’y a pas proprement parler des archives, chiffrés. Ce sont des estimations et en plus partielles.

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